Réseau universitaire international de Genève
Geneva International Academic Network

Français | English
Accueil >

Herwig Schopper, le 12 juillet 2007.

Chère Mme Dufour, chère famille, mesdames et messieurs, chers amis,

Jean-Marie Dufour s'est éteint dimanche dernier, beaucoup trop tôt, dans sa 70ème année.

Nous avons perdu une grande personnalité d’une exceptionnelle compétence professionnelle, d’une profonde culture humaine et moi-même je perds un ami très cher.

Je connaissais Jean-Marie depuis plus de 35 ans, depuis son entrée au service du CERN en juin 1966. Il avait été rattaché au service juridique qui dépendait de la Division des Finances. A cette époque, l’Organisation entrait dans une phase de grandes transformations parce qu’elle venait de s’étendre vers la France pour permettre la réalisation du projet ISR, ce qui allait soulever d’importantes questions juridiques concernant le statut international du CERN dans ce nouvel Etat hôte, comme par exemple la fiscalité, le régime des entreprises ou le droit applicable sur le nouveau domaine.

Au début des années 1970, la préparation du futur programme du CERN, en particulier le projet SPS, a impliqué la révision de la Convention constitutive du CERN. Cette situation nouvelle a nécessité la création d’un service juridique plus étoffé et indépendant, capable de donner des conseils juridiques avisés au Directeur général et à son administration, mais aussi au Conseil du CERN, l’organe suprême de l’Organisation et de ses comités.

Adjoint de l’Ambassadeur Franz Schmid qui était le premier conseiller juridique du CERN, Jean-Marie Dufour avait déjà à cette époque contribué considérablement à la résolution des problèmes mentionnés. Il a remplacé l’Ambassadeur Schmid en 1974 comme conseiller juridique et est resté à la tête de ce service jusqu’à sa retraite en novembre 2001, après trente cinq années de service. Depuis, c’est Eva-Maria Gröniger-Voss, sa proche collaboratrice, qui dirige le service juridique du CERN.

Jean-Marie Dufour s’est distingué pendant toute sa carrière par une compétence professionnelle extraordinaire, combinée avec une honnêteté exemplaire, une loyauté sans faille, bref un caractère presque exempt de défauts. Cela lui a permis de gagner non seulement la confiance de plusieurs Directeur généraux mais aussi celle des représentants des Etats Membres. Ses conseils étaient toujours suivis. Il était non seulement le gardien des règles de l’Organisation, mais également sa «bonne conscience». Il y a des juristes qui cherchent à compliquer les choses. Ce n’était pas le cas de Jean-Marie. Même dans des situations très compliquées ou délicates, il trouvait toujours des solutions acceptables.

Jean-Marie Dufour a, en effet, activement participé à toutes les grandes étapes de l'évolution du CERN, qu'il s'agisse de ses programmes scientifiques, de son installation sur le territoire de ses Etats hôtes, la Suisse et la France, de l’admission de nouveaux Etats membres ou de son ouverture internationale en général. A diverses occasions, il a joué un rôle essentiel en indiquant la voie juridique la plus appropriée pour prendre une décision ou pour mener une politique. Il a aussi assuré vers l’extérieur une fonction diplomatique et de représentation du CERN, y compris devant les tribunaux ou dans des arbitrages.

Ses multiples succès ont été honorés par plusieurs distinctions, parmi lesquelles on peut citer la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur de la France, qui lui a été remise en juin 2001 par l'Ambassadeur Philippe Petit.

Jean-Marie Dufour était un européen fervent. Tout au long de sa carrière, il s'est fait le champion de la collaboration internationale.

Avec son style très personnel, marqué par ses fortes convictions, par son contact direct mais plein de tact, Jean-Marie a laissé son empreinte au CERN et dans la communauté scientifique internationale.

J’ai eu le privilège de coopérer très étroitement avec Jean-Marie pendant mon mandat de Directeur général durant huit ans. Pendant la construction de la grande machine LEP qui a occasionné de nombreux problèmes juridiques, j’ai toujours pu faire confiance à Jean-Marie et suivre aveuglément ses conseils. Au-delà des contacts professionnels, des relations amicales se sont développées et j’ai pu admirer sa grande culture, sa connaissance de l’histoire et son attitude philosophique, qui ont enrichi ma vie personnelle.

Sa grande renommée a perduré même après son départ à la retraite. Ses conseils ont été appréciés par d’autres organisations et même récemment par le Professeur Gago, le Ministre de la Recherche portugais, qui avait fait appel à son expérience pour la fondation d’un nouveau laboratoire.

Pendant ces dernières années, j’ai eu le plaisir de travailler avec Jean-Marie au sein du Conseil du Réseau Universitaire International de Genève, dont il était le président. Ainsi, nous avons pu rester en contact étroit jusqu'à sa disparition et j’ai pu encore admirer son engagement dévoué.

En ce moment d’adieu, chère Caroline, chère famille, je partage votre peine et vous assure de ma fidèle amitié.

Jean-Marie va nous manquer. Nous avons tous perdu un ami très cher".