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Le Temps, no. 2693
Economie, samedi 14 octobre 2006

Le Prix Nobel de la paix au «prêteur d'espoir»
MICROFINANCE. La récompense au Bangladais Muhammad Yunus et à la Grameen Bank marque la consécration d'un phénomène devenu mondial.

Ram Etwareea, Collaboration: Jean-Claude Peclet

Muhammad Yunus, le «père du microcrédit» et la Grameen Bank, «la banque des pauvres», ont obtenu conjointement le Prix Nobel de la paix, parmi 191 candidats. Ce choix met en lumière le lien entre la lutte contre la pauvreté et la sécurité. «Une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu'une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté», a déclaré Ole Danbolt Mjoes, président du comité Nobel, vendredi à Oslo.

Les démunis et les banques

Cette distinction, unanimement saluée par des chefs d'Etat, des banquiers et autres dirigeants d'organisations diverses, rend hommage au phénomène du microcrédit, dont la Grameen Bank est sans conteste le précurseur. Désormais, cette planète compte 788 institutions de microfinance (IMF) et 80 fonds d'investissement. Des dizaines de millions de personnes aux quatre coins du monde y ont recours pour l'achat d'une vache au Bangladesh ou pour équiper un cabinet médical aux Etats-Unis. Le phénomène a reçu un coup de fouet en 2005, décrété Année internationale du microcrédit.

Forte présence en Suisse

«Nous gérons 300 millions de dollars, partagés dans 65 institutions actives dans 25 pays émergents, déclare fièrement Jean-Philippe de Schreval, fondateur de BlueOrchard Finance à Genève. La microfinance constitue le lien entre deux mondes qui ne se parlaient pas: d'une part, les démunis qui n'avaient aucune chance d'accéder au crédit et d'autre part, les clients des banques privées, les fonds de pension et les investisseurs institutionnels.» Selon lui, le Prix Nobel décerné à Muhammad Yunus va accélérer la croissance du secteur. BlueOrchard Finance travaille avec la Compagnie financière Edmond de Rothschild, la banque Dexia ou encore Credit Suisse par le biais du fonds de placement ResponsAbility.

Pour Yvette Jaggi, nouvelle présidente de l'Association solidarité et création d'entreprise (Asece), créée en 1998 par Georges Aegler, «cette distinction est un grand sujet de réjouissance, d'abord pour le lauréat lui-même, mais aussi pour une formule d'économie solidaire qui n'est pas seulement adéquate pour les pays en développement, comme on le croit souvent, mais aussi pour nos Etats industrialisés». Venue du mouvement coopératif, Yvette Jaggi constate encore que «l'économie solidaire évolue. Ce n'est pas la structure juridique qui est déterminante, mais la forme d'action».

Le microcrédit, une entreprise comme une autre ou de la philanthropie? Des critiques estiment que ce système ne respecte pas les critères de rentabilité immédiate. «Il mérite d'être soutenu même si les bénéfices n'apparaissent qu'à long terme», répond Edouard Dommen, président du comité scientifique du Réseau universitaire international de Genève qui mène un projet de recherche sur la controverse.

Catégorie : Économie
Sujet(s) uniforme(s) : Bourse et marché des changes
Taille : Moyen, 339 mots

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Doc : news·20061014·TE·191533