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Agir contre la maltraitance des aînés, c'est leur redonner une dignité - 23.11.05

La maltraitance des personnes âgées est dans nos sociétés un phénomène malheureusement répandu, quoique largement occulté. Tout au plus est-il porté à l'attention du public lors d'excès graves, alors que l'on suppose que les personnes âgées souffrent la plupart du temps en silence. Selon le Professeur Wettstein de l'Université de Zurich, 60'000 personnes environ seraient victimes de ce type de maltraitance chaque année en Suisse. Le Professeur Rapin de l'Université de Genève avance, quant à lui, le chiffre de 3'000 à 5'000 victimes annuelles pour le seul canton de Genève.

La nature des maltraitances est multiple. Les mots, d'abord: dénigrements répétés, reproches incessants, menaces. "Si tu ne fais pas ceci ou cela, on te placera en maison de retraite ou tu ne pourras plus voir tes petits-enfants": voilà le genre de violence verbale et psychologique à laquelle sont confrontés beaucoup de personnes âgées. La négligence, ensuite: elle est en elle-même une forme de maltraitance par manque d'attention ou de soins. Mais les mauvais traitements peuvent également être de nature économique – appropriation de l'héritage avant le décès, prélèvement d'argent directement dans le porte-monnaie et accusations de "perdre la boule" si l'abuseur est démasqué, etc. Enfin, la maltraitance peut également revêtir la forme de violences physiques ou sexuelles; dans ce dernier cas, le silence et le tabou qui entourent le phénomène se font encore plus épais.

Les causes d'une telle dissimulation sont multiples. La victime a souvent peur des représailles, mais éprouve également une réelle honte, non seulement à cause du fait d'avoir été abusée, mais aussi la plupart du temps devant l'identité même de l'abuseur – il s'agit en effet très souvent d'un proche, d'une personne de confiance en général peu motivée par de noirs desseins, mais plutôt dépassée par une charge matérielle et émotionnelle à laquelle elle n'est que peu ou pas préparée.

On voit ainsi que la maltraitance n'est pas uniquement le problème d'institutions. Mais dans tous les cas, l'élément clé permettant d'apporter un début de réponse au phénomène est le dépistage; des stratégies d'interventions sont à mettre en place au plus vite. Dans ce sens, il faut saluer les efforts de l'association "Alter Ego" opérant en Suisse romande, tout comme ceux de Pro Senectute qui lance des campagnes de sensibilisation en Suisse alémanique et met en place des centres de conseil et d'intervention ( Beschwerdestellen ).

C'est dans ce sens également qu'a oeuvré un projet de recherche interdisciplinaire soutenu par le Réseau universitaire international de Genève (RUIG). Composée de chercheurs issus de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), du Centre interfacultaire de gérontologie (CIG) de l'Université de Genève, ainsi que de représentants d'institutions spécialisées de huit pays, l'équipe de travail de ce projet, menée par les Docteurs Alexandre Kalache (OMS) et Charles-Henri Rapin CIG), a cherché à développer et à tester des moyens de détection et de dépistage basés sur le modèle du EASI canadien ( Elder Abuse Suspicion Index ). Ceux-ci sont destinés avant tout à ceux qui sont, par leur pratique professionnelle, le plus à même de mettre en lumière (ou de négliger!) le phénomène: les agents de soins de santé primaires.

L'intérêt et l'utilité de ce projet sont flagrants, tout comme la valeur des outils validés dans son cadre. Mais ces seuls outils en eux-mêmes ne suffisent pas: il faut encore se donner les moyens de les appliquer! Il est bon que les agents de santé soient informés et sensibilisés à ce grave problème sociétal, mais il est tout aussi important de leur accorder le temps et la disponibilité indispensables pour l'écoute et le dialogue à échelle humaine. Il convient ici de faire un appel du pied au monde politique, qui ne peut continuer à ignorer le phénomène de la maltraitance des personnes âgées; la recherche et l'identification d'outils de dépistage sont bien sûr cruciales, mais l'action "sur le terrain", tangible et effective, l'est tout autant, et peu de choses sont concrètement possibles si l'Etat ne se donne pas les moyens d'empoigner le problème en débloquant les ressources indispensables. La dignité a un prix!

Un pas important a été fait pour le respect et la protection des personnes âgées, d'autres devront suivre.

Paru dans Le Temps "Eclairages/Opinions", le 21 décembre 2005

Mme Angeline Fankhauser , ancienne Conseillère nationale (Bâle-Campagne), est Coprésidente de l'Association FARES (Association faîtière de mouvements d'entraide des personnes âgées) et membre du Conseil de Fondation du Réseau universitaire international de Genève (RUIG).

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