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L’eau: source d'une fructueuse collaboration internationale - 15.11.05

Le travail en réseau est une formidable occasion de comparer les différentes solutions à un problème d’envergure... et d’élargir le réseau de collaborations internationales. Des géographes de l’UNIL l’ont expérimenté au sein du Réseau universitaire international de Genève (RUIG) à propos des ressources hydriques de pays en voie de développement.

Les organisations des Nations Unies, la Banque mondiale et la plupart des ONG sont d’accord: les ressources en eau de la planète sont surexploitées et l’on va au-devant d’une pénurie mondiale. Ce «constat» les incite à promulguer des séries de recommandations et de prescriptions qui ne tiennent pas compte des réalités du terrain. Ceci est vrai, en particulier pour l’eau d’irrigation comme ont pu le vérifier en Syrie, en Inde et au Niger les membres d’une équipe de chercheurs financée par le RUIG. Sa direction est constituée par Marika Bakonyi-Moeschler (Centre universitaire d’écologie humaine et des sciences de l’environnement, Genève), Régis Caloz (Laboratoire de systèmes d’information géographique, EPFL), Ronald Jaubert (agro-économiste, professeur à l’Institut de géographie de l’UNIL et à I’Institut universitaire d’études du développement de l’Université de Genève) et Jörg Winistörfer (Institut de géographie, UNIL). Cette équipe pluridisciplinaire vient de publier un rapport «grand public» qui résume ses travaux. «Crise mondiale» ou «crises locales»? C’est la question centrale posée par ce document car, comme le précise Ronald Jaubert, «si dans le premier cas la définition et l’application de prescriptions communes peuvent se concevoir, dans le second, la standardisation des approches ne fait pas sens». Un bref tour d’horizon s’impose pour illustrer cet avis.

Conflit pour des mares au Niger
Dans la région de Gaya, les agriculteurs sédentaires et les éleveurs de bétail nomades se disputent l’accès aux mares et aux terres humides alors que l’eau de la nappe phréatique est abondante. Par ailleurs, le flou de la situation quant aux droits de propriété des mares rend la situation quasiment inextricable. Cette situation de conflit a conduit la Direction du développement et de la coopération du gouvernement suisse (DDC) à négliger le potentiel d’exploitation des nappes phréatiques. Il s’avère en effet que la zone est riche en eaux souterraines qui peuvent être mobilisées par motopompes. Leur utilisation permet de diminuer la tension pour l’eau et la pression sur les mares: l’irrigation peut se faire sur une plus grande surface et les troupeaux n’ont pas à être concentrés autour des mares. L’étude a cependant montré que l’eau des puits pouvait être fortement contaminée. Un suivi de la qualité de l’eau des puits et une meilleure «mobilisation» des eaux souterraines rendraient plus efficaces les programmes d’aide au développement.

Mainmise sur l’eau au Gujarat
Suite à une sécheresse qui a affecté en 1999 et 2000, 25 millions de personnes, soit la moitié de la population de l’Etat du Gujarat, son gouvernement a mandaté l’UNICEF et le Programme des Nations Unies d’aide au développement (PNUD) pour établir un bilan des ressources hydriques et proposer des orientations pour une meilleure gestion de l’eau. Leurs recommandations de mise en place d’instruments de régulation, dont une tarification de l’eau, et l’adoption de mesures législatives ne correspondent pas aux réalités locales. 90% de l’eau est utilisée pour l’agriculture dont les surface irriguées ont triplé depuis les années 1970. Dans la zone étudiée par l’équipe du RUIG – en collaboration avec la Fondation Aga Khan –, les barrages permettent de mobiliser l’eau de surface pour l’irrigation mais leur implantation et leur mode de gestion tendent à concentrer l’eau disponible dans les mains d’un nombre réduit d’agriculteurs. Cette concentration réduit considérablement l’efficacité de la gestion de l’eau. Celle-ci pourrait être renforcée par une meilleure répartition de l’eau entre agriculteurs. Comme le souligne Ronald Jaubert «équité et efficacité ne sont pas forcément des objectifs inconciliables».

En Syrie, le blé remplace le coton
Dans la zone aride étudiée par l’équipe du RUIG, les eaux souterraines sont exploitées par des puits individuels dont près de la moitié ont été forés sans autorisation. Un vaste système de galeries de captage datant de l’époque byzantine est partiellement restauré et utilisé. Une partie de l’eau des puits est livrée par camions-citernes dans les zones plus arides. 80% des surfaces irriguées appartiennent à 20% des agriculteurs ayant accès à l’eau. Pour réduire la consommation d’eau, la Banque mondiale a préconisé d’augmenter les prix de l’énergie et d’interdire la vente de l’eau, les nouveaux forages ainsi que les cultures d’été.L’abandon de la culture du coton décidé par le gouvernement – peu après la chute du prix du coton sur le marché mondial! – et son remplacement par le blé ou l’olivier compensent partiellement l’extension des terres cultivées. Les scientifiques du RUIG ont constaté que l’exploitation des eaux souterraines varie entre 12% et 72% de la recharge annuelle selon les villages. L’approvisionnement en eau domestique est problématique dans près de 10% des 250 villages étudiés. L’application par le gouvernement syrien des recommandations de la Banque mondiale a peu d’efficacité. Certains villages exploitent l’aquifère profond; le volume d’eau accordé par hectare permet un dépassement des cultures peu contrôlable; les interdictions de forages et de vente d’eau limitent les cultures dans des zones où l’eau est utilisée de la manière la plus efficace. «Prendre des mesures d’urgence où il n’y a pas d’urgence est souvent catastrophique!» conclut le professeur Jaubert. Fort d’une longue expérience de terrain, il prône l’examen global des conditions locales, aussi bien techniques que politiques et sociales. Les standards établis par les organisations internationales sur la base de diagnostics globaux se sont avérés contreproductifs, notamment pour les populations les plus misérables.

A. Broquet

> Uniscope: page 22, numéro 514, le 15 novembre 2005

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